Lettre ouverte aux institutions qui ont contracté des emprunts toxiques (janv. 2015) Suivi de : "Emprunts toxiques : le cas de la Communauté de communes giennoises (suite aux déclarations du président de la Communauté de communes).
La récente envolée du franc suisse face à l’euro vient de nous rappeler que le problème des « emprunts toxiques » est loin d’être réglé : de nombreux établissements publics et collectivités locales avaient accepté de lier les taux d’intérêt de leur remboursement à l’évolution du franc suisse, la monnaie la plus stable du monde… Résultat en janvier 2015 : des taux qui grimpent brusquement jusqu’à 30% !
Jusqu’à ce soudain décrochage, on pouvait croire le scandale des emprunts toxiques oublié, avec ses 5500 institutions enchaînées à un quarteron de banques sans morale, Dexia en tête, par le biais de contrats aussi opaques que mirifiques… Pendant des années, ce sont plus de 10.000 contrats de ce type qui ont été signés. Tous dangereux de par l’évolution imprévisible de leur taux d’intérêt ; tous fortement rémunérateurs pour les banques, leurs dirigeants et leurs actionnaires.
Dans le Loiret
Dans le Loiret, un nombre important d’institutions avaient été identifiées comme ayant souscrit des emprunts toxiques : 20 communes, 2 communautés de communes, 3 centres hospitaliers, 1 bailleur social, le Service départemental d’incendie et de secours ; ainsi que la Région (voir la liste détaillée des emprunts contractés uniquement auprès de Dexia dans le Loiret, directement tirée du dossier diffusé par Libération sur la base d’un document interne à Dexia).
De manière parcellaire et fortuite, on sait que certaines de ces institutions ont renégocié leur prêt ; on sait aussi que tous les taux n’ont pas évolué de la même manière.
Mais une chose est sûre, c’est que plusieurs années après la crise financière qui a fait tomber comme des dominos les systèmes spéculatifs construits sur du vent (tout commença, rappelons-nous, avec les subprimes), le danger d’étranglement pour nos institutions est loin d’être écarté, et ce sont les budgets locaux, le financement public local, la démocratie locale qui s’en ressentent durement : « la hausse du franc suisse, c’est un collège en moins pour la Seine-Saint-Denis » (Claude Bartolone).
Il y a trois ans, Attac 45 avait, seule d’abord puis avec 17 autres organisations dans le cadre du Collectif pour un Audit Citoyen du Loiret, animé une série d’actions de sensibilisation du grand public et d’interpellation de toutes les communes du Loiret, leur proposant de s’engager contre le principe des emprunts toxiques (voir la Lettre d’Attac 45 aux organismes du Loiret touchés par les emprunts toxiques ; la Lettre du CAC 45 à l’ensemble des mairies du Loiret ; le Modèle de délibération proposé par le collectif).
Faire rendre la justice
Aujourd’hui encore, la meilleure issue pour ces collectivités, ainsi que le propose Patrick Saurin, spécialiste des emprunts toxiques et membre du Collectif pour un Audit Citoyen de la dette, reste de suspendre le paiement des échéances de leurs emprunts toxiques et d’entamer une action en justice pour faire requalifier le prêt. En effet, alors que le fonds de soutien mis en place par le gouvernement est notoirement insuffisant, de nombreuses actions en justice sont sur le point d’être initiées contre les banques responsables.
Il est également important de soutenir et rejoindre (comme l’ont déjà fait la commune de Pithiviers et le SYCTOM) l’association de collectivités locales « Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques », dont les objectifs sont l’échange d’expérience, l’action collective et la représentation des contribuables locaux auprès des pouvoirs publics.
Attac 45, le 29 janvier 2015.
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Emprunts toxiques : le cas de la Communauté de communes giennoises
Suite aux déclarations du président de la Communauté de communes
Les réponses de Christian Bouleau, Président de la Communauté de communes giennoises, dans l’article "La hausse du franc suisse met en difficulté des communes qui ont des emprunts toxiques", sont révélatrices de la situation embarrassante dans laquelle la signature de ces contrats a pu mettre les élus.
Une procédure mal maîtrisée par les élus - contrairement à ce que croit comprendre M. Bouleau, notre document (basé exclusivement sur les informations Dexia publiées par Libération) précise bien que tous les emprunts listés par nous ont été contractés auprès de Dexia ; et que, en l’occurrence, JP Morgan est la banque de contrepartie de cet emprunt, c’est-à-dire celle avec qui Dexia a contracté une assurance pour se prémunir contre le risque de baisse des taux.
La peur de se rebiffer face au système bancaire - les emprunts toxiques signés produisent leur effet, puisque beaucoup d’élus refusent d’envisager de casser le contrat par peur d’avoir à payer une soulte rédhibitoire. A ce propos, Monsieur Bouleau indique que l’intercommunalité négocie chaque fin d’année avec Dexia l’échéance de son emprunt toxique pour limiter le taux à 5 ou 6 %, mais il ne précise pas ce que Dexia obtient en contrepartie (des indemnités sont-elles versées à la banque ? le capital de l’emprunt est-il augmenté d’une pénalité avec allongement de la durée du prêt pour en masquer l’effet ? etc.). Avec des taux qui tournent aujourd’hui autour de 30 %, on voit mal la banque abaisser son taux à 5 ou 6 % sans contrepartie... Pourtant, se dresser face aux banques, c’est toujours possible ! A cet effet, les collectivités touchées seraient bien inspirées de prendre en compte trois bonnes raisons :
– Le récent décrochage du franc suisse, dont toutes les conséquences pour les collectivités locales n’ont sans doute pas encore été mesurées, promet d’être un sérieux motif pour prouver devant la justice le caractère spéculatif des emprunts en question.
– La demande du fonds de soutien, qui reste modeste dans tous les cas, laisse toujours la possibilité aux collectivités d’attaquer les banques (sur les points de manquement aux devoirs d’information, de conseil et de mise en garde par exemple). Par ailleurs, la hausse du franc suisse a fait exploser ce fonds et le gouvernement est en train de réfléchir à de nouveaux critères pour déterminer les bénéficiaires.
– La loi de validation rétroactive votée en juillet 2014, qui fait supporter une bonne partie des pertes aux collectivités et aux contribuables (tout en épargnant les banques !) reçoit de vives critiques de la part de juristes et fait l’objet de recours devant les tribunaux, notamment par l’association Acteurs Publics Contre les Emprunts Toxiques (APCET) - à laquelle s’est associée dernièrement la Fédération hospitalière de France.
Attac 45, le 08/02/2015