Les nanotechnologies, sous des apparences trompeuses (Attac 45)
Le Gouvernement lance un débat public sur les nanotechnologies
(manipulation de la matière aux échelles atomique ou moléculaire) au travers du Comité National du Débat Public (CNDP). Ce débat passera par 17 villes, dont Orléans le 27 octobre (19h30, au centre de conférences).
Plusieurs analyses indépendantes soulignent les risques inhérents à cette nouvelle technologie (vous trouverez ci-dessous l’extrait d’une étude publiée par ATTAC) , ainsi que le manque flagrant d’information publique dans lequel les recherches sont faites et les décisions sont prises.
Le collectif Pièces et Main d’Oeuvre a ouvert un site d’information critique (http://www.nanomonde.org/) sur les nanotechnologies, ainsi que sur la procédure de débat qui vient de s’ouvrir. Sur ce dernier point, il met en relief son manque d’indépendance et d’objectivité, sa composition orientée, ses objectifs d’ "acceptabilité sociale".
Au vu de ces informations, que nous vous invitons à consulter et à diffuser largement, nous ne pouvons que déplorer l’organisation d’un événement qui, sous des atours participatifs, risque fort de noyer toute contestation locale et de légitimer, au bout du compte, des décisions qui serviront les intérêts financiers des multinationales et les partis pris idéologiques de la croissance à tout prix.
Au détriment une fois encore du bien commun, de la santé publique et de la démocratie. Le débat citoyen sur la technologie et ses expérimentations reste décidément à faire.
Attac 45.
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Extrait du 4-pages ATTAC « Les citoyens face aux nanotechnologies »
(Document intégral : ici)
IV. Recommandations
Les « nanos » semblent agréger des ingrédients pour le moins explosifs. Et pourtant, nous ne décelons pas à ce jour les signes d’une contestation large de la société.
Aujourd’hui, seuls des scientifiques, des associations et des organisations écologistes ont joué le rôle de lanceurs d’alerte (ETC au Canada, « Pièces et Main-d’œuvre » à Grenoble, Greenpeace et les Amis de la terre). Il est urgent de créer, à l’échelle locale et nationale, des commissions paritaires où les chercheurs, les industriels, les politiques et la société civile puissent se retrouver. Il est important de former les élus, d’avoir un message positif porteur de vie et d’éviter de délivrer un discours anxiogène. Surtout, il faut associer l’environnemental et le social pour réussir tous ensemble, avec les citoyens.
Il paraît aussi urgent qu’une information suffisante soit disponible sur la redoutable propriété des nanosystèmes moléculaires qui sont capables de pouvoir traverser les barrières biologiques, notamment entre sang et cerveau, et d’être actuellement peu ou pas biodégradables, ce qui risque d’avoir, en dehors d’indications thérapeutiques précises, des conséquences majeures pour la santé. De plus il faudra donner la priorité à toutes les mesures nécessaires de protection des travailleurs au contact des nanomatériaux, et de confinement des lieux d’étude et de production de ces nanomatériaux. Devra être aussi prioritaire la recherche d’effets adverses, en privilégiant les études de toxicité à faible dose sur les personnes à vulnérabilité maximale, notamment les travailleurs au contact des nanomatériaux et qui pourraient avoir été exposés malgré les mesures de protection ; à titre de précaution, les femmes enceintes devraient être exclues de ces postes. Un suivi des fœtus et nouveau-nés devrait être réglementairement prescrit en cas de risque d’exposition professionnelle ou intempestive. (...)
Actuellement, le cadre de la médecine du travail est impropre au contrôle de ces nouveaux produits. C’est pourquoi il sera nécessaire :
– dans le cadre de la médecine du travail et des comités « hygiène et sécurité » de sites, d’exiger de chaque laboratoire, équipe de recherche et lieu de production, la rédaction de guides des bonnes pratiques, ainsi que la mise en œuvre de procédures particulières de contrôle de la protection et de surveillance des personnels de la recherche et des industries manufacturant des produits nanométriques ;
– de favoriser les informations en réseaux des agences : celles de la biomédecine, AFSSAPS, AFSA, et celles de l’Institut de veille sanitaire. La plus grande attention devra être réservée au respect des principes associés tels que le respect de la vie privée, le consentement éclairé à l’administration ou à l’exposition à de nouvelles nanoparticules, l’équité d’accès à ces innovations, la protection des personnes. Cela permettra de créer une banque de données sanitaires. Dans ces agences, il faudra aussi identifier les conflits d’intérêts, afin de les réduire fortement et si possible les supprimer ;
– d’obliger les industriels à une information et un étiquetage visibles des produits contenant des nanoparticules créées intentionnellement pour que le consommateur puisse éventuellement en refuser l’usage ;
– de mettre en place une information effective du public et de la société en organisant des débats citoyens par essence contradictoires ; ils seront décentralisés au niveau des entités régionales et donneront lieu à des comptes rendus publics, complétés par les réponses des chercheurs et des industriels aux interrogations, espoirs et craintes émis lors de ces débats.
Conclusion :
Il n’est pas question de remettre ici en cause globalement les nanotechnologies, ni de faire preuve d’un antiscientisme aussi primaire que le scientisme. Le problème posé actuellement par les nanomatériaux est identique à celui des OGM : les intérêts à court terme des industriels passent avant la protection des citoyens et de l’environnement. Et donc, on commercialise avant d’avoir fait les études de sécurité indispensables. La responsabilité des politiques est sur ce point considérable, dans la mesure où les actuels règlements et lois sont totalement inadaptés aux particularités des nanomatériaux (ainsi, ces derniers échappent au règlement européen REACH, du fait de leur faible tonnage). Mais, pour faire bouger les politiques, la pression citoyenne est indispensable, là encore le rapprochement avec les OGM s’impose. Les problèmes posés par les nanotechnologies sont trop graves pour laisser aux seuls industriels le soin de les résoudre.