Taxe internationale : Apres le message de Jacques Chirac à Davos (janvier 2005)
Après le message de Jacques Chirac à Davos, sur les taxes internationales, communiqué d’Attac-France. Extrait de la Lettre d’Attac 45 n°29, février/mars 2005.
Taxes internationales ou « Constitution « européenne : il faut choisir
Attac a pris connaissance des propositions faites le 26 janvier par M. Jacques Chirac au Forum économique mondial de Davos en vue de mobiliser au moins 10 milliards de dollars par an pour lutter contre le sida. Elles s’inscrivent dans le prolongement de son discours de septembre 2004 sur le financement du développement prononcé devant l’assemblée générale de l’ONU.
Tout comme elle l’avait fait à l’époque, l’association Attac se réjouit que certaines des idées et propositions pour lesquelles elle fait campagne depuis sa création en 1998 soient reprises par le président de la République et portées devant les forums internationaux.
En particulier, elle prend acte avec satisfaction de la proposition de mettre en place, ne fût-ce qu’à titre expérimental, un prélèvement sur les transactions financières internationales, du type taxe Tobin, et de celle de taxer les flux de capitaux sortants et entrants dans les pays qui maintiennent le secret bancaire. Cette dernière proposition est, à ce jour, la seule mesure un tant soit peu concrète envisagée au niveau gouvernemental en vue de lutter contre le fléau des paradis fiscaux.
Attac rappelle cependant :
– que la lutte contre le sida, si prioritaire qu’elle soit, ne
saurait faire oublier les autres besoins humains fondamentaux non satisfaits à l’échelle planétaire : accès à l’alimentation, à l’eau, au logement, à l’éducation et à la santé, etc. ;
– que la somme de 10 milliards de dollars citée par le président de la République est très insuffisante pour faire face à ces besoins. Elle doit être multipliée au moins par 5 ou 6 ;
– que des sommes annuelles de 50 à 60 milliards de dollars sont parfaitement mobilisables. Ainsi M. Bush vient de demander au Congrès une rallonge de 80 milliards de dollars au budget du Pentagone, déjà astronomique, afin de poursuivre la guerre en Irak.
Par ailleurs, Attac s’étonne que les propositions de M. Chirac soient faites uniquement hors de France et hors de l’Union européenne : à New York et en Suisse. Cela est d’autant plus surprenant que l’UE dispose, tant économiquement que financièrement, de la masse critique suffisante pour mettre en place unilatéralement les mesures évoquées par le président de la République, et pour créer ainsi un effet d’entraînement en direction des autres pays, notamment dans la perspective de la réunion de l’ONU de septembre prochain évoquée dans le message à Davos.
Attac souhaite donc que le Président de la République demande d’urgence à la présidence luxembourgeoise de l’UE de convoquer un Conseil européen extraordinaire pour examiner les propositions françaises. Par ailleurs, Attac demande au président du Parlement européen de se saisir également de cette question. Attac s’interroge : cette réticence, à ce jour, de saisir les instances européennes n’est-elle pas tout simplement due au fait que la « Constitution « prochainement soumise à ratification par référendum est incompatible avec les propositions de M. Chirac ? Son article III-156 dispose en effet que « les restrictions, tant aux mouvements de capitaux qu’aux paiements entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites « . Or la Commission européenne a toujours considéré qu’une taxe du type Tobin était contraire au traité, dont elle est institutionnellement la « gardienne « . Quant à la taxation des flux entrants et sortants dans les pays qui maintiennent le secret bancaire, elle vise directement, entre autres, un Etat membre de l’UE, le Luxembourg. Le président de la République s’est-il assuré du soutien à ses initiatives de M. Barroso, président de la Commission, et de M. Juncker, premier ministre du Luxembourg et président en exercice de l’UE ?
Si ces personnalités ne font pas connaître publiquement et rapidement leur accord avec la démarche de M. Chirac, il ne restera plus au président de la République qu’ à appeler publiquement les Français à dire massivement « non « au référendum de ratification de la « Constitution « . Faute de quoi, ses propositions pourraient être interprétées comme de simples effets d’annonce sans aucune possibilité de traduction concrète.
C’est parce que, entre de nombreuses autres raisons, Attac est sans illusion sur une « Constitution « totalement incompatible avec une démarche de solidarité fondée, notamment, sur une taxation de la spéculation financière et sur la suppression des paradis fiscaux, que l’association appelle à voter « non « au prochain référendum.
Attac, Porto Alegre, 27 janvier 2005.